di Alain Duplouy, 78, 2009
La ville côtière de Ténos, fondée vers le milieu du IV siècle, est bien connue par les textes épigraphiques, tandis que ses vestiges matériels ont fait l'objet d'une publication détaillée. La Ténos archaïque et classique est en revanche beaucoup moins connue, d'autant que les fouilles menées à Xobourgo, établissement de l'intérieur à flanc de montagne, sont encore inédites. En attendant cette publication, Luisa Moscati Castelnuovo propose ici une relecture des sources littéraires relatives aux hautes époques de la cité et vient ainsi renouveler la vieille notice de la Real-Encyclopädie. Précédé d'une longue préface (en anglais) par Nota Kourou sur l'état de la documentation archéologique, le livre se compose de deux parties: la première est une synthèse historique, la seconde donne le corpus des sources littéraires en grec (et en latin) accompagnées d'une traduction et d'un commentaire. L'auteur note tout d'abord que le déplacement de la ville, cette «descente vers la mer», ne doit sans doute rien à une quelconque reconversion maritime des habitants de Ténos, ni d'ailleurs au raid d'Alexandre de Phères en 362 mais, de manière plus banale, à la peur de nouveaux éboulis de pierres analogues à celui qui détruisit l’édifice E entre 400 et 390. Parmi les textes antiques relatifs à Ténos, aucun n'est le produit d'une historiographie locale; ce qui pourrait passer pour un inconvénient offre en réalité quelques avantages. Le premier - et ce n'est pas le moindre - est de permettre à l'historien de s'abstraire du schéma historiographique aristotélicien, traditionnel dans les monographies de cité, qui impose comme trame historique la prétendue succession des régimes politiques, de la royauté à la démocratie. Cela étant, l'auteur a su tirer parti des spécificités documentaires pour présenter des dossiers thématiques. Ainsi passe-t-elle tout d'abord en revue les diverses mentions littéraires portant sur les productions et sur l'environnement naturel de l'île. Sur un plan plus historique, les rapports entre Ténos et l'Eubée, bien documentés par plusieurs auteurs anciens, laissent penser que l'île fut à haute époque un point d'appui eubéen sur les routes de la Méditerranée occidentale et orientale; et de fait, la production locale de grands vases à relief puise abondamment dans le répertoire oriental. Les rapports entre les deux îles restèrent sans doute étroits et trouvèrent une expression cultuelle dans le parcours des offrandes hyperboréennes qui, de l'Eubée, aboutissaient à Délos via Ténos. À part cela, rien n'est vraiment connu de l'histoire archaïque de l'île, ni d'ailleurs de sa position politique au sein des Cyclades, où se succèdent les hégémonies naxienne, athénienne puis samienne. À cet égard, il n'est d'ailleurs pas certain qu'il faille inclure l'île dans les conquêtes du tyran Polycrate, comme cela a parfois été proposé. Tout au plus saiton que la cité échappa à la conquête perse de Datis en 490. À Salamine, alors que Ténos s'était initialement rangée du coté des Perses, la cité fit défection, ce qui lui permit d'avoir son nom sur la colonne votive de Delphes et d'intégrer la ligue de Délos, versant en 450/49 un phoros de trois talents. Enfin, il n'est pas impossible qu'elle ait fait défection et soit passée dans le camp spartiate vers la fin de la guerre du Péloponnèse. Tout cela n'est pas bien lourd, mais l'auteur a le mérite d'avoir fait le tour de tous les textes disponibles. Elle referme le dossier par un tableau des cultes attestés et des divinités vénérées à Ténos.